Ici et maintenant, le monde qui porte les potentialités de l’effondrement meurt de ses échecs successifs. C’est un partage radical de la politique, dans ses diverses expressions et actions, qui permet d’affirmer qu’un autre monde, un avenir en commun·e·s, est possible.

 

Alors que 15 ans de luttes intenses auront été nécessaires, pour protéger les terres et les habitant ·es du bocage de Notre-Dame-Des-Landes de la folie destructrice de l’État, de Vinci et des élu·es, 18 mois ont « suffi » pour remporter la lutte contre le deuxième stade de Johanna Rolland et Waldemar Kita.

Si des élu·es de « gauche » ont fait preuve d’une passivité inquiétante pour certain·es et d’un engagement préoccupant à soutenir le projet pharaonesque d’un homme soupçonné de fuir l’impôt pour d’autres, nous avons collectivement pu compter sur l’engagement d’une grande diversité
d’habitant·es.

De la Zad au stade, des coalitions hétérogènes s’érigent contre les projets
dépassés qui mettent en danger la résilience du territoire. Or ces projets sont les principaux indicateurs de la capacité de gouvernant·es  déconnecté·es à inscrire leur domination sur nos villes et par extension sur nos vies.

De nombreux lieux demandent encore notre engagement : que ce soit
pour protéger des terres agricoles de chimères prétendument « attractives » mais surtout destructrices (Surf Park, Plate- forme type Amazon), pour prendre soin de notre patrimoine architectural et maraîcher contre la marchandisation (Jardin des Ronces, Place de la Petite Hollande, Quartier Bellevue, Caserne Mellinet…).

De nombreuses causes pour bien vivre sont encore à porter : exclure toutes les formes de dominations sexistes de nos rues et de nos activités, de nos
commun·e·s, en finir avec les violences policières dans nos quartiers et nos
manifestations publiques, prendre soin politiquement des personnels
hospitaliers et des éducatrices·eurs qui prennent soin de nous  physiquement et socialement, construire une politique d’accueil à la hauteur et digne… ou encore cultiver nos jardins comme des communs !

Nous pouvons l’affirmer, les commun·s s’instituent de toute part et la commune n’est pas morte.

Ces perspectives sont encourageantes et elles ne feront que s’amplifier.
Mais à ce stade, certain·es pourraient être en train de se demander si ça sera suffisant pour éviter l’effondrement… La seule certitude issue de nos enquêtes, c’est qu’il n’y a aucun·e prophète·sse à attendre, pas d’élu·e, même collapsologue, pour nous dire de quoi l’avenir sera fait. Nul·le n’est en capacité de dire si nos solidarités résisteront de manière certaine à l’absence d’énergie fossile, à l’augmentation des températures ou à la réduction de la biodiversité. Mais ces chiffres et ces courbes issus des sciences biologiques ne sont qu’une vision des mondes possibles !

Ce que nous pouvons affirmer en revanche c’est que là où nous prenons le temps de réfléchir nous trouvons d’autres sources d’énergie suffisantes pour nous chauffer et nous déplacer que le pétrole ou l’uranium, que là où nous plantons des arbres plutôt que du béton les températures demeurent vivables, que là où nous déployons des pratiques agroécologiques la biodiversité réapparaît progressivement. Que là où nous sommes bienveillant·es, accueillant·es et solidaires, nous pouvons avoir confiance dans l’humanité. Que lorsque nous partageons la parole, les capacités d’agir, l’espace et les richesses de nos écosystèmes, nous ne sommes pas menacé·es. Que lorsque nous acceptons le conflit et les diverses manières de nous organiser, nos institutions n’ont plus à être prédatrices.

À partir de ces affirmations, nous pouvons imaginer à volonté ! Et nous avons commencé ! Ici et maintenant, dans nos têtes et dans nos actes !

Sans État central pour coordonner les productions d’énergie, nous construisons nos micro-réseaux énergétiques.

Sans pétrole pour faire avancer les tracteurs, nous réhabilitons la valeur des activités humaines qui prennent soin de la terre en la cultivant.

Sans bullshit jobs, boulots de merde, nous prenons le temps de vivre comme nous l’entendons, nous partageons les activités, nous réduisons les prédations écologiques des activités humaines et améliorons le soin porté aux autres.

Sans investisseur·euses, nous bannissons la logique abrutissante du profit et redonnons des sens multiples à notre ville et à nos vies.

Sans importations par cargo nous reprenons la navigation à voile et valorisons le rôle des nomades et du voyage, de la migration.

Ces récits sont ancrés dans le réel, ils sont des bouts d’avenir à construire, déjà partagés par des milliers de Nantais·e·s. Sans doctrine gestionnaire ou religion catastrophiste, nous projetons nos territoires actuels vers ces futurs :

Et si nous dessinions collectivement le territoire agro-écologique capable de nourrir Nantes ?

Et si l’Eurovélo était un embryon de route d’importation de poivres et d’exportation de gâteau nantais ?

Et si nos envies de voyage et de temps pour bien vivre se traduisaient dans ces parcours d’échanges entre les peuples, à la fois nomades et sédentaires ?

Et si les cales de nos chantiers navals étaient à la fois des jardins et des
ateliers de construction de cargo à voile ?

Et si à devoir choisir entre laisser branché un ordinateur ou nous
chauffer, nous redécouvrions simplement la chaleur de nos bibliothèques  ?

Et si à la place de gaspiller tant d’énergie dans des JO tape à l’œil nous organisions des JO à partir des infrastructures existantes, et que ce soit l’occasion de grand défis planétaires comme la déplastification des océans ?

Et si nous avions déjà largement suffisamment extrait de minerai pour que chaque humain qui le souhaite ait accès à internet ou à la radio ?

L’histoire qui s’écrit est celle de villages, de villes et de territoires, du Sud au Nord, sur tous les continents, des commun·e·s humain·e·s qui vivent,  réfléchissent et agissent en conscience de l’importance de leurs  écosystèmes, qui dépassent le récit catastrophique des indicateurs de l’effondrement pour tisser les liens d’une humanité solidaire, écologique et radicalement démocratique. Ce n’est pas grâce à la spiritualité ou au repli sur soi que les assemblées populaires du 18ème siècle ont étendu  l’expérience démocratique radicale à de nombreux endroits du monde.

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