S’immiscer dans la concertation tram

         Jusqu’au 24 janvier, Nantes Métropole propose aux habitant·e·s de donner leur avis sur le projet de création de trois nouvelles lignes de tram.

Vous voulez vous immiscer dans cette concertation et porter collectivement notre voix pour qu’elle ne puisse pas être ignorée ? Voici comment faire en deux étapes, et ça prend moins de 5 minutes !

Pourquoi participer ? Cette concertation interroge. Le projet proposé, livré clé en main, est mauvais au sens où il ne répond pas aux enjeux, en termes de transport, posés par Nantes Métropole. Autre problème, la méthode de concertation est questionnable. Le dossier de concertation ne livre que très peu d’informations éclairant les arbitrages réalisés (pourquoi privilégier le centre-ville ? pourquoi avoir choisi le tram parmi toutes les solutions envisageables ?). Au pire, cette concertation est une vaste opération de com’ pour faire accepter un projet hors de prix conçu pour desservir un autre projet déjà obsolète : le transfert du CHU sur l’île de Nantes. Au mieux, elle permettra à quelques experts d’obtenir un supplément de connaissance produit par les usagers pour ajuster leur projet. On est loin de la co-construction et du débat démocratique.   

 

Étape 1 : créez un compte sur le site du dialogue citoyen

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Étape 2 : déposez le texte ci-dessous

 

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  • Copiez le texte ci-dessous en réponse à la question : que pensez vous de la création de ces trois lignes de tram ?

 

 

Le texte à déposer

 

Titre : Ces trois nouvelles lignes ne sont pas pertinentes

Le projet de tram répond-il aux objectifs posés par la concertation ? 

Non.

Les trois nouvelles lignes permettent-elles de sortir du réseau en étoile en améliorant les liaisons entre les communes ?

Ce projet ne connecte aucune nouvelle ville au réseau de tram. Il se concentre sur le maillage du centre-ville et n’apporte pas de solution aux nombreuses communes mal desservies par le réseau, notamment les communes au Sud de la Loire et au Nord-Est. Il ne permet pas plus d’interconnexions entre les communes périphériques, ou d’éviter de passer par le centre. 

Concernant la congestion de Commerce, ce projet propose un seul nouveau trajet ne passant pas par la croisée des tram : la ligne 7 de Rezé jusqu’au tronçon ouest de la ligne 1. La nouvelle traversée de la Loire par le tram au niveau du pont Anne-de-Bretagne peut-être intéressante mais la station Basse-île est pour l’instant difficilement accessible. La connexion entre Basse-île et les lignes 2 et 3 pourrait rendre ce trajet intéressant mais il s’agit d’un projet hypothétique dans un futur lointain (entre 10 et 15 ans)

La ligne 8 reste l’idée la plus étrange. Le bus C5 existant fait le même trajet et ne présente aucun risque de saturation pour l’instant. A l’inverse, les lignes 6 et 7 emprunteront les voies de la ligne 1, la ligne la plus utilisée du réseau et dont la fréquence ne peut pas être modifiée. Autrement dit, ces deux nouvelles lignes n’apporteront aucune solution à la surcharge du réseau.

Ce projet permet-il de diminuer la part de la voiture solo, d’inciter à prendre les transports en commun et d’agir pour l’environnement ?

Nous l’avons vu, ces nouvelles lignes n’apporteront pas de solution aux principaux usagers de la voiture : les habitant·e·s des communes périphériques se rendant à Nantes. Les flux principaux proviennent du Sud Loire et du Nord-Est. Concernant Carquefou, Nantes Métropole prévoit le développement d’une navette autonome d’une capacité de 300 personnes par heure aux heures de pointe. Pour comparaison, les flux quotidiens en voiture depuis le Nord-Est sont de 20 000 déplacements. Pour le cas du Sud de la Loire, le seul trajet supplémentaire évitant Commerce sera celui de la ligne 7. Il impliquera une correspondance à Basse-île (où aucun parking relais n’est prévu à l’heure actuelle) et renforcera la saturation de la ligne 1. Peu de chance que l’on réduise la place de la voiture ainsi. 

Et pour cause ! Le plan de déplacement urbain de Nantes Métropole ne prévoit pas de remplacer la voiture par les transports en commun, mais par la marche et le vélo. Nantes Métropole prévoit d’ici à 2030 une augmentation de 1% de l’usage des transports en commun (de 15% à 16%). 1% d’augmentation en 12 ans ! A l’heure de l’urgence écologique, un tel manque d’ambition est dramatique. Sachant que ce projet de ligne de tram engloutit à lui seul 11% des 2,2 milliards de budget d’investissement transport du PDU, il est difficile de penser qu’il répond à ce deuxième objectif.

Les trois lignes de tram permettront-elles de desservir les grands projets urbains en cours et à venir ?

Ici, c’est incontestable : ces trois lignes permettront une meilleure desserte des grands projets urbains, principalement le projet envisagé de transfert du CHU sur l’île. Et pour cause : tout porte à croire que ces trois lignes sont pensées pour le CHU qui trône au centre des 5km de nouvelles voies. Élément intéressant pour comprendre ce projet de tram : le commissaire enquêteur de l’enquête publique concernant le transfert du CHU a corrélé ce projet à l’aménagement d’une desserte par les transports en commun.

Question rhétorique : est-il légitime de nous demander notre avis sur un projet de transport rendu obligatoire par un projet sur lequel il est impossible de nous prononcer ?

Par ailleurs, pour rappel, ce projet de transfert du CHU, impliquant la destruction d’Hôtel Dieu et de Laennec, est une aberration déjà obsolète :

  • Un CHU 4 fois plus petit impliquant la suppression de 300 lits et de 400 postes de soignant·e·s. Une note de la Commission Médicale d’Établissement énonce que cet hôpital n’aurait pas pu faire face à une crise sanitaire de l’ampleur que nous traversons. 
  • Situé sur l’île de Nantes, soit une zone inondable et inaccessible, même avec un tram supplémentaire. Alors que même le gouvernement revoit sa copie sur la pertinence de la doctrine de centralisation des soins, on fait ici tout l’inverse !
  • Un budget, déjà faramineux, sur lequel la Cour des comptes émet des inquiétudes concernant sa soutenabilité, le tout pour construire un hôpital vitrine ambitionnant de rayonner à l’échelle européenne. 

Bref, c’est un mauvais projet de transport rendu obligatoire par un très mauvais projet de santé publique.

Une nécessaire repolitisation de la question des transports

Ce projet de ligne de tram n’a que peu d’intérêt pour répondre aux enjeux que la métropole soulève. Il répond cependant aux besoins posés par le projet du CHU. Sans CHU, ce tram n’a pas de raison d’être. Il répond également à un élément de langage qui refait son apparition dans les documents de concertation alors qu’il avait disparu durant les élections municipales : l’attractivité. L’attractivité, c’est ce projet qui veut faire de Nantes un paradis pour les entreprises et les cadres à haut revenu au détriment des habitant·e·s actuel·le·s, notamment des plus pauvres. 

Un autre concept de communication ressurgit pour valoriser ce projet de tram : penser l’île de Nantes comme “cœur métropolitain”. La création des 3 lignes sur l’île vont dans ce sens : une métropole centralisatrice, où Nantes concentre la majorité des investissements au détriment des communes alentour. Vers le modèle de Paris et de ses banlieues dortoirs ?

Un tel projet de tram pose de nombreux enjeux politiques que la concertation ne pose pas. De notre côté, nous aimerions une métropole multi-centrique, où toutes les communes sont des lieux de vie, autonomes mais connectées, porteuses de leurs propres enjeux politiques mais solidaires. Aucun espace n’existe pour débattre de projet politique. On vote une fois tous les 6 ans pour que 18,6% de la population valide un projet politique (on rappelle que le second tour des élections municipales de 2020 a vu un taux d’abstention record de plus de 70%) puis on délègue tous les débats aux élu·e·s. 

A défaut d’encourager une telle prise de hauteur sur la fabrication de nos villes, cette concertation pourrait à minima donner accès aux habitant·e·s à une information éclairante sur les choix faits par Nantes Métropole pour ce projet. Malheureusement le dossier de concertation ressemble plus à un argumentaire de vente enrobé d’informations faussement techniques. On aurait aimé comprendre ce qui justifie de prioriser l’île de Nantes, des chiffres sur les flux de voitures, des comparaisons entre les différentes solutions (busways, chronobus, tram, etc.) ou toutes autres données permettant aux participant·e·s de se forger un avis éclairé. On nous livre plutôt une solution clé en main. Il a fallu attendre le travail de collectifs indépendants pour obtenir des analyses concrètes du projet. Merci à GAELA et ESG Infra, entre autres, dont les cahiers d’acteurs sont disponibles sur le site de la concertation. 

La capitale européenne du dialogue citoyen peut revoir sa copie. 

 

 

 

À nous la ville !