La culture en communs

Qu’est-ce qui se cache derrière le mot « culture » ?
C’est la première question sur laquelle se pencher avant de réfléchir aux politiques culturelles de Nantes.

Prenons d’abord le sens classique, celui des « arts et des lettres« . Derrière le mot « culture », on peut mettre un patrimoine, des œuvres, des auteurs, des créateurs, des lieux, des pratiques artistiques… Autour desquels, en France, se sont structurés un secteur, des industries, et des politiques culturelles.

Mais essayons de penser à un sens plus large du mot culture, derrière lequel on pourrait mettre « les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement. »

La culture représente donc des droits universels « essentiels à la dignité humaine » :
– le droit d’accéder et de participer librement, sans considération de frontières, à la vie culturelle à travers les activités de son choix;
– le droit d’accéder, notamment par l’exercice des droits à l’éducation et à l’information, aux patrimoines culturels qui constituent des expressions des différentes cultures ainsi que des ressources pour les générations présentes et future.

On voit donc bien se dessiner la nécessité d’établir une « culture en commun »: une culture accessible et représentative de toute.tous , et qui permet à  chacun.e de mettre en œuvre sa capacité à réfléchir et à créer pour rencontrer et transformer le monde qui l’entoure.

Nous vous proposons d’analyser la culture à Nantes par ce prisme.
Nantes parait être une ville favorable à la culture. Mais qu’en est-il réellement ? Avons-nous toutes.tous un accès égal et libre à la culture sur le territoire ? Nous sentons nous toutes.tous représenté.es, dans nos différentes identités et cultures, par les propositions culturelles nantaises ?


Ces réflexions ont débuté dans le cadre de discussions, si vous n’êtes pas d’accord avec un point ou souhaiteriez rajouter des informations, alors on a besoin de vous ! (Si vous êtes d’accord, on a aussi besoin de vous !)

Discussions sur ce thème :

Prochaine discussion : 25 Février 2020 – Ateliers de Bitche

Commission témoins :  à venir

Porteur•se•s de la fiche (pseudo Discord) :

  • Edward Lefer
  • Arthur (Arthur H)

Le support de discussion

 Enjeux

  • Une diversité culturelle à défendre
  • Une accessibilité culturelle à défendre
  • Une culture représentative et construite par les citoyens à défendre
  • Des enjeux menacés par les financements de gros projets culturels décidés par un petit nombre de personnes

     

Notre diagnostic

 

Culture lissée et uniformisée = pas de représentation des citoyen.nes

A première vue, Nantes mène une politique plutôt favorable à la culture. En 2018, le budget culturel est de 48 006 861€, un peu plus de 10% du budget global de la ville.
Elle est dotée d’une diversité assez importante de structures et d’évènements culturels par rapport à d’autres villes de son envergure en France et elle propose des accès réduits à de nombreux évènements (via la carte blanche par ex.), ainsi que des aides à la création (via des bourses, la mise à disposition d’ateliers d’artistes…)

Cependant, il semble que la mairie ait de plus en plus le monopole du financement des projets culturels du territoire, entraînant la fermeture silencieuse de petites structures, la récupération d’initiatives indépendantes, et donc l’uniformisation de l’offre culturelle.
Pourquoi on dit NON ? Parce qu’on ne veut pas d’une « culture politique » qui ne nous représente pas et qui est pensée pour servir les intérêts purement économiques de la mairie.

Culture pour l’emploi, culture marchandise = obsession de rentabilité et pas de diversité

A Nantes, la culture est de plus en plus un outil pour créer des emplois et attirer les entrepreneurs des « industries culturels et créatives ». En témoignent des projets comme Le Quartier de la création, géré par le cluster « Creative Factory by SAMOA (Société d’Aménagement de la Métropole Ouest Atlantique) » qui est affiché clairement comme « un opérateur économique de développement des filières des industries culturelles et créatives ». Le projet est présenté comme « un véritable pôle d’excellence arts et culture ». On parle ici d’entrepreneurs privés, d’industries, de création d’emplois, de rayonnement… Mais pas beaucoup des petits projets de quartiers, des usagers, de la culture par les habitants qui ne font pas partie de ces « industries »…

Pourquoi on dit NON: parce qu’on ne veut pas d’une culture qui soit menée par une politique du profit. Une culture décidée par des entrepreneurs privés n’est pas une culture pour et par les habitants, elle ne les représente pas, et ne représente pas les différentes volontés de création qui émergent au sein de la communauté. Une culture « marchandise » c’est une culture uniforme, qui perd de sa diversité, de sa richesse dans sa course à la rentabilité.

Culture tourisme = culture fictive et pas de place pour nos projets

A Nantes, la culture est aussi un instrument pour attirer les touristes, nationaux, européens et internationaux. En témoignent des projets comme Le Voyage à Nantes et l’Arbre au Hérons qui reflètent une idée de la culture « spectacle », « parc d’attraction », une culture « sexy » pour attirer les visiteurs… Au détriment de la culture de proximité pour les habitants, la culture de proximité. L’Arbre au Hérons coûte environ 35 millions d’euros. Même si Nantes Métropole n’en finance qu’un tiers, on en est déjà à un coût plus élevé que le budget attribué à tous les réseaux de bibliothèques en 2018 (8,1 millions d’euros)…

Pourquoi on dit NON: parce qu’on ne veut pas d’une culture qui serve à cacher la transformation urbaine des quartiers en pompant une énorme partie du budget et qui ne nous concerne pas. La concentration des financements est un danger pour la diversité. Des projets comme le Voyage à Nantes et l’Arbre au Hérons sont des outils pour construire une histoire de Nantes dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas.

Aujourd’hui, on s’interroge :

  • où est la place des petites associations de quartiers quand l’ensemble des centres sociaux du territoires sont gérés par une seule association: l’ACCOORD ?
  • où est la culture accessible à toutes et à tous quand le projet de Transfert s’installe sur un territoire occupé précédemment par des populations roms ?
  • où disparaissent les petits bars de quartier quand la vie nocturne est de plus en plus cadrée, à part sur le Hangar à Bananes, où les bières sont les plus chères ?

De façon générale, en France, il est compliqué de réfléchir à une « culture PAR les usagers » dans un secteur culturel particulièrement codé, et ou l’on établit une scission entre « production et consommation ». Mais ce que fait notre ville de la culture ne fait qu’encourager ces modèles, et nous ne voulons pas de ça à l’échelle locale !

Exemples inspirants

A Nantes, il se passe déjà des choses:

  • Des espaces qui font vivre le quartier et permettent simplement aux gens de se rassembler pour créer ensemble, comme La Nizanerie, un « territoire convivial des possibles »
  • Des espaces de diffusion de la culture qui font tout pour être accessible et qui encourage la pratique amateur et la diversité, comme la Barakason ou le Chat Noir qui organise des scènes ouvertes musique et poésie par exemple.
  • Des espaces culturels autogérés comme La Dérive, qui a maintenant sa propre bibliothèque, ou comme les ateliers de Bitche !
  • Des structures qui soutiennent et promeuvent les artistes locaux comme les radios locales JetFM ou AlterNantes

Ailleurs en France aussi:

  • Des espaces de créations gratuits et accessibles à toutes.tous, dans les médiathèques par exemple. A Toulouse, il y a des studios d’enregistrements dans la bibliothèque, et à Brest, des logiciels de création en accès libre ! Ça permet de sortir de la conception élitiste de la création dans sa tour d’ivoire.
  • Des espaces de pratiques artistiques pour les gens du quartier, et pas seulement les artistes reconnu.es et les associations, comme au 104 à Paris.
  • Des espaces appropriés et rendus communs par les citoyens pour en faire des lieux ouverts de création, de pratiques culturelles et de diffusion de la culture, comme l’Usine de Genève.

Ailleurs en Europe aussi, en Italie par exemple:

Dans un pays où les espaces et enjeux culturels sont particulièrement laissés à l’abandon par les politiques publiques (pas de statut d’intermittence, lieux culturels abandonnés ou inexistants…) et que les citoyens tentent d’investir; on trouve des exemples inspirants:

  • Le Teatro Valle, théâtre historique occupé pendant 3 ans par des citoyens, artistes, professionnels de la culture et qui ont mis en place un système de gestion de ce « commun » à défendre pour continuer de le faire vivre.
  • Le Nuovo Cinema Palazzo, occupé également et devenu depuis un lieu culturel autogéré par les habitants et reconnu par la ville de Rome.

Propositions 

 

Qu’est ce qu’on peut faire ?

Multiplier les espaces de création et de pratique:

  • Créer de nouveaux espaces de créations et de pratique ouverts à tous et toutes, petit.e.s et grand.e.s, en mettant par exemple du matériel dans les bibliothèques ou en ouvrant de nouveaux lieux (création de fablab, mise à disposition d’instruments de musique dans les espaces communs, des lieux de pratique ouverts…)
  • S’approprier les rues en tant qu’espace de création !

Rendre la culture plus accessible

  • Faire entrer la culture là ou elle n’est pas ou peu: à l’hôpital, dans les centres sociaux, sur les places, à la gare, au marché, dans la rue, dans chaque quartier !
  • Organiser des réflexions inter-professionnel.les pour « sortir la culture de ses habitudes descendantes ».
  • Former des groupes de réflexion, d’entraide et de rencontre entre artiste et entre personnes souhaitant concrétiser un projet culturel, pour que cela paraisse moins inaccessible.
  • Établir les entrées des lieux culturels « à prix libre ».
  • Encourager la création (et la publication sur une plateforme commune) d’œuvres sous licence libre pour favoriser le partage et la circulation de la culture sous toutes ses formes.
  • Recentrer les professionnels de la culture sur la médiation (mettre davantage de médiateurs dans les musées, à l’entrée des musées…)

Diversifier la culture et ses lieux de diffusion

  • Organiser des fêtes populaires & traditionnelles (avec des banquets, des bals et des concours de soupe !)
  • Multiplier les lieux nocturnes culturels (hors bars et boîtes de nuits.)
  • S’approprier la rue par l’art: favoriser le street art, les fresques collectives, mais aussi les chasses au trésor dans la ville…
  • Repenser les formes existantes de jumelage (jumelages d’établissements culturels, échanges d’artistes…)
  • Diffuser la culture la nuit, en dehors des bars et boites (musée la nuit…).
  • Ouvrir des lieux d’exposition libre, sans programmation, dans lesquels chacun.e pourrait venir accrocher ses œuvres.
  • Créer une plateforme en ligne de diffusion de tous les contenus culturels créés par des Nantais et des Nantaises: des écrits produits créés lors d’atelier d’écriture, des vidéos des ateliers de danse collaboratifs… Pour chaque artiste émergeant.e puisse être valorisé.e. Cette plateforme pourrait également faire office d’agenda culturel sur lequel chacun.e pourrait proposer des évènements culturels, professionnels ou amateur (un bœuf entre copain.ine.s, ou une initiation à la danse contemporaine…)
  • Organiser davantage d’évènements culturels en périphérie de Nantes, hors centre-ville.

Mieux diviser les financements culturels

  • Arrêter de mettre les associations culturelles en concurrence via le fonctionnement d’appel à projet ou en donnant le monopole opérationnel à une association comme l’ACCOORD, et favoriser les projets par quartier, en partenariat.
  • Encourager les « petits projets » culturels et artistiques de quartier pour mieux couvrir le territoire (ex:boîtes à culture, bibliothèques associatives de quartier, théâtre de rue…)
  • Dédier une plus grande partie du budget au équipement de proximité plutôt qu’aux grands projets touristiques.
  • Sortir la logique de subvention: laisser vivre des organisations culturelles hors institution, favoriser la rencontre de structures culturelles autogérées.

Décider des politiques culturelles ensemble

  • Former des collectifs de citoyens composés de professionnel.le.s de la culture, mais aussi de créateurs et créatrices amateur ou usager.ère.s pour décider de la répartition des budgets culturels et de la programmation culturelle de la ville.

 

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