En mai 2015, Barcelone a vécu une forme de révolution par les communs : la liste municipale Barcelona en comù (Barcelone en commun) a remporté la mairie en regroupant la gauche radicale et écologiste catalane. Cette irruption du concept de communs dans l’espace de pouvoir de l’Etat montre un exemple de réappropriation des institutions par les habitant·es et une tentative de construction d’une nouvelle forme de politique. Ce mouvement des villes rebelles fut une vague pour les élections de 2015 en Espagne qui a essaimé dans une vingtaine de ville.

La liste municipale présentée aux élections de 2015 est l’enfant de plusieurs luttes sociales ayant traversées la ville de Barcelone depuis de nombreuses années. La plus célèbre est la Plateforme des victimes du crédit Hypothécaire (PAH) fondée en 2009, dont la porte-parole Ada Colau est devenue la tête de la liste Barcelone en Commun, puis mairesse de la ville. Ce mouvement est né pour encourager une lutte collective contre la vague d’expulsion menée par les banques à la suite de la crise économique de 2008. La misère causée par la crise et renforcée par les expulsions était cause et conséquence d’une atomisation des individus, une impossibilité de forger un lien collectif dans la précarisation provoquée. Le mouvement autour de la PAH a pris le parti d’un travail de re-socialisation des victimes, de re-politisation des individus qui sont passés de victimes à acteurs de la situation. Cette co-participation au mouvement a fondé un nouveau pouvoir politique par et pour les habitant·es autour duquel se sont agrégés bien d’autres luttes (le mouvement des indignés, ou encore Podemos, la CUP (candidature d’unité populaire), et bien d’autres).

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Ces luttes ont permis aux collectifs de se forger, de commencer à faire commun. En 2012, des politiques de coupes budgétaires et de privatisation ont mobilisé contre elles ces agrégats de collectifs pour initier la formation d’un réseau structuré de pratique citoyenne. Un travail de fond, horizontal, a débuté pour investir l’espace électoral, appuyé sur les assemblées de quartier et les commissions thématiques citoyennes. Un programme, dont le “plan de choc” contenant les mesures prioritaire, s’est peu à peu construit sur ces bases. Il est important de noter que ce réseau de pratique et de débat n’avait pas uniquement pour but la constitution de ce programme électoral. La pratique de la politique mis en place par ces assemblées a permis de faire émerger ce programme, mais c’était une conséquence secondaire de leur existence. Leur but était de faire vivre la politique au coeur des quartiers.

Cette intromission des habitant·es dans un espace normalement réservé à l’Etat et à une élite bien structuré nous montre un changement très important dans le rapport à cet État, comme une relativisation de son pouvoir. Dans la continuité d’une lutte populaire contre un Etat infantilisant, ce mouvement s’est approprié un pouvoir qu’une élite a toujours conservée, assurée de prendre les bonnes décisions pour l’ensemble de la population. Ce mouvement incarne les prémices d’un municipalisme libertaire tel qu’il a fut conceptualisé par Murray Bookchin : un gouvernement municipal reposant sur l’organisation citoyenne à la base et sur des instruments de démocratie directe. À Nantes en commun·e·s, nous nous revendiquons de ce municipalisme pour réinventer nos villes.

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Photographie :
Julio Erre